jeudi 10 juillet 2014

Obéir ou ne pas obéir, telle est la question...

En effet, c'est une question qui était déjà présente dans ma vie d'hier, qui l'est toujours aujourd'hui et qui le sera encore demain. C'est aussi une question récurrente dans l'histoire de chaque humain, depuis des temps immémoriaux. C'est une question qui implique de faire un choix et d'accepter les conséquences désagréables de ce choix.
Au moment où j'écris ces lignes, je suis à la médiathèque d'Aurillac en Auvergne. Charlotte et moi y prenons un peu de vacances entre deux wwoofs. Parce que nous faisons le choix de ne pas rester quotidiennement dans un camping à 15€ la nuit, nous bougeons donc régulièrement d'endroit pour dormir : dans des entrées de chemins, des petites aires en bord de route, etc. Cette manière d'agir est parfois considérée comme du camping sauvage (conséquence désagréable de notre choix). Mais qu'est-ce que ça veut dire, "sauvage" ? C'est vrai qu'on s'habille avec des peaux de bêtes mais quand même ! On ne salit pas l'endroit, on ne reste qu'une nuit et on ne fait pas de bruit ! Les seuls voisines qu'on ait eu avaient pour unique conversation meuh, broutaient constamment et ne se sont jamais plaintes ! Alors ? Obéir à l'interdiction de camping sauvage ? Ou désobéir ?

À la médiathèque, un jeune garçon d'environ douze ans était à moitié allongé par terre, adossé à un pouf en train de lire en silence. Je l'ai vu s'installer volontairement en bout de rayon près de la fenêtre afin de ne pas gêner le passage de ceux qui parcouraient les livres. Tandis qu'il se relevait pour prendre un autre livre, l'homme chargé de la sécurité s'est approché de lui :
« Salut ! Tu reviens de la plage ?
- Ben... non ? Y'a pas de plage, à Aurillac, dit-il, ne comprenant pas...
- Exactement. T'es pas à la plage. Alors fait en sorte de t'asseoir correctement, s'il te plaît. »
Pourquoi ? En quoi est-ce que ce garçon gênait le bon fonctionnement de la médiathèque alors qu'une demi-heure plus tôt, cinq adolescents parlaient à voix haute, écoutant de la musique sur le haut-parleur de leur smartphone sans même un livre entre les mains et que ce charmant monsieur ne leur a rien dit ? Alors ? Obéir à la remarque de ce monsieur ? Ou désobéir ?
Dans le domaine de l'autoconstruction, cette question est aussi parfois valable. Pourquoi n'a-t-on pas le droit d'habiter dans un logement temporaire sur notre propre terrain le temps de la construction de notre logement définitif ? Sommes-nous donc réduits à faire un prêt immobilier uniquement dans le but de payer un loyer et l'essence pour habiter plus loin que le terrain tout juste acquis ? Parce que la loi nous y oblige ?
Hormis l'envie de vous narrer ces quelques exemples, je pourrais poursuivre avec des dizaines de cas mais vous avez compris l'idée. Charlotte, moi et vous serons souvent amenés à faire un choix d'obéissance ou de désobéissance. Quand un ordre, une loi, une "obligation" n'a pas de sens ou qu'elle n'est clairement pas justifiée, choisirons-nous d'obéir ou de désobéir ? Au sein de notre société occidentale, choisirons-nous l'obéissance civile ? Ou la désobéissance civile ?
Évidemment, les choses sont plus subtiles que ça. Dans la majeure partie des cas - même si ce n'est pas systématique - l'échange constructif, la discussion ouverte et bienveillante permet souvent de faire émerger les incohérences et de trouver la solution qui convient à tous.
Le 31 janvier 2012 lors d'un événement appelé « The People Speak, Live ! », Matt Damon a lu des extraits d'un discours datant de 1970 écrit par son ami de longue date Howard Zinn (historien et politologue américain). Cette vidéo m'a beaucoup parlé et je la trouve tout à fait en lien avec cette question (pour ceux qui n'ont pas une connexion suffisante, j'ai retranscrit le texte en dessous).

« Je pars de l’hypothèse que le monde est sens dessus-dessous, que les choses vont mal, que ceux qui ne devraient pas être en prison le sont et ceux qui le devraient ne le sont pas, que ceux qui ne devraient pas être au pouvoir le sont et ceux qui devraient avoir plus de pouvoir n’en ont pas, que les richesses, non seulement dans ce pays, mais dans le monde entier, sont distribuées de telle façon qu’il ne s’agit pas de faire une petite réforme, mais une refonte totale du système de redistribution des richesses. Je pars de l’hypothèse que nous n’avons pas grand-chose à dire là-dessus : il nous suffit de nous pencher sur l’état du monde actuel pour réaliser que c’est le chaos.

Maintenant, si vous ne pensez pas, si vous vous contentez d'écouter la télé et de lire des choses scolaires, alors vous vous mettrez à penser que les choses ne vont pas si mal ou que seulement quelques petites choses ne vont pas. Mais vous devez vous détacher un peu, prendre du recul, et regarder le monde. Et là, nous sommes horrifiés. Nous devons donc commencer par cette supposition que les choses sont sans dessus-dessous. Et notre sujet lui-même est sans dessus-dessous : la désobéissance civile. Dès que vous dites que le sujet est la désobéissance civile, vous dites que notre problème est la désobéissance civile. Ce n'est pas notre problème. Notre problème, c'est l'obéissance civile.

Notre problème, c’est le nombre incalculable de gens qui ont obéi aux diktats de leurs dirigeants et qui sont partis en guerre partout dans le monde entier, et que cette obéissance s’est traduite par des millions de morts. On comprend cela quand il s’agit de l’Allemagne nazie. On sait que le problème, c’est la soumission, que les gens ont obéi à Hitler. Les gens ont obéi, c’était mal. Ils auraient dû se rebeller et résister au système et si seulement nous avions été là, nous leur aurions montré. Même dans la Russie de Staline, on constate cela : les gens sont dociles, ce sont des moutons. Souvenez-vous de l’époque sinistre où la population était exploitée par le régime féodal. Tout était abominable au Moyen-âge, mais maintenant, nous avons la civilisation occidentale, l’état de droit. Le droit a normalisé et exploité au maximum l’injustice qui existait avant lui, c’est cela qu’a fait le droit.

Quand, dans tous les pays du monde, le droit est le chouchou des dirigeants et un fléau pour le peuple, alors nous devons commencer à reconnaître ceci. Nous devons dépasser les frontières nationales dans notre réflexion. Nixon et Brejnev ont plus en commun entre eux que nous avec Nixon. J. Edgar Hoover a plus en commun avec le chef de la police secrète soviétique qu’avec nous. C’est cet engagement international aux lois qui crée de solides liens d’amitié entre eux. C’est pour cela que nous sommes toujours surpris de voir que, lorsqu’ils se retrouvent, ils sourient, se serrent la main, fument le cigare ensemble, s’apprécient mutuellement, et cela, indépendamment de leurs discours officiels.

Ce que nous tentons de faire, je suppose, c’est de revenir véritablement aux principes, aux objectifs de la Déclaration d’Indépendance. L’esprit de la résistance à l’autorité illégitime et à des forces qui privent les gens de leur vie, de leur liberté, de leur droit à la quête du bonheur et donc, dans ces conditions, il incite au droit de réformer ou d’abolir la forme actuelle de leur gouvernement, et surtout d’abolir. Mais pour établir les principes de la déclaration d’indépendance, il va falloir sortir du cadre légal, cesser d’obéir à des lois qui imposent de tuer ou qui répartissent les richesses de la façon dont cela a été fait, ou qui mettent les gens en prison pour des petits délits et laissent en liberté des gens qui ont commis des crimes abominables. Mon espoir c’est que cet esprit de résistance naîtra non seulement dans ce pays, mais également dans d’autres pays car ils en ont tous besoin. Les peuples de tous les pays ont besoin de cet esprit de désobéissance à l’Etat, qui n’est pas un concept métaphysique mais une entité qui allie force et richesses. Il nous faut une sorte de Déclaration d’Interdépendance entre les peuples de tous les pays du monde qui luttent pour la même chose. »

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